mardi 21 septembre 2010

Da Vinci erreurs & mensonges


               "Da Vinci" : Contre-sens, erreurs et mensonges

ASTRID DE LARMINAT
17 mai 2006, (Rubrique Culture) Le Figaro
Dan Brown affirme dans la préface de son roman que les thèses développées au sujet de la divinité de Jésus et de ses noces avec Marie Madeleine sont avérées. Décryptage d’une mystification.


Jésus et Marie Madeleine étaient-ils mariés ?

Ce que dit Dan Brown : En citant l’Evangile apocryphe de Philippe – « Et le Sauveur avait pour compagne Marie Madeleine. Elle était la préférée du Christ, qui l’embrassait souvent sur la bouche » –, le romancier affirme que Jésus et Marie Madeleine étaient mariés. Marie Madeleine à qui Jésus a confié la direction de l’Eglise, évincée par Pierre, s’est réfugiée en France avec sa fille, dont la dynastie mérovingienne est issue.

Ce qu’il en est : Il n’est dit nulle part que Jésus et Marie Madeleine étaient mariés. S’agissant du baiser, il faut savoir que l’Evangile de Philippe (fragmentaire) n’est pas un récit de la vie de Jésus mais un ensemble de paroles et d’allégories. L’étreinte et le baiser signifient la transmission du souffle divin à l’initié. Un autre texte gnostique, la deuxième Apocalypse de Jacques, décrit le Christ ressuscité confiant ses mystères à Jacques en l’appelant « mon bien-aimé » et en l’embrassant sur la bouche. Dans ce contexte, Marie Madeleine apparaît plus comme le modèle du disciple parfait que comme la maîtresse du Christ. Selon les Evangiles canoniques, Marie Madeleine est présente lors de la Crucifixion ( Jean, XIX, 25). Elle est la première à qui le Christ apparaît après sa mort (Matthieu, Marc, Luc ainsi que Jean, XX, 11-18). Dans la tradition chrétienne primitive, sa place prééminente est donc reconnue. Bien que les Actes des Apôtres et saint Paul ne la mentionnent pas, la figure de Marie Madeleine va progressivement s’imposer dans les communautés. L’ancienne pécheresse devenue sainte incarne un des aspects du féminin sacré, à côté de la Vierge Marie, archétype de la mère et de la vierge. Précisons que la Marie Madeleine « mythique » est une synthèse de trois femmes mentionnées par les Evangiles canoniques : Marie de Magdala, dont Jésus expulsa sept démons, Marie de Béthanie, la soeur de Marthe et de Lazare, et Marie la pécheresse, qui versa du parfum sur les pieds de Jésus. Des récits du Ve siècle, relayés notamment par Jacques de Voragine dans La Légende dorée, font allusion à la venue de Marie Madeleine en Provence, en un lieu appelé aujourd’hui Saintes-Maries- de-la-Mer. Elle se serait installée dans une grotte des bois de la Baume, qui fait l’objet d’un pèlerinage depuis le Moyen Age. Des reliques découvertes au XIIIe siècle ont été authentifiées par le Vatican. Actuellement, des fouilles archéologiques sont en cours pour tenter de faire la part de la légende et de l’histoire. L’hypothèse selon laquelle Jésus et Marie Madeleine auraient eu une fille dont descendraient les Mérovingiens relève évidemment de l’affabulation. Jésus a-t-il été divinisé par Constantin ?

Ce que dit Dan Brown : L’empereur Constantin a commandé la rédaction d’un Nouveau Testament qui excluait tous les Evangiles évoquant les aspects humains de Jésus et qui privilégiait – au besoin en les adaptant – ceux qui le faisaient paraître divin. Jésus a donc été élu Dieu au concile de Nicée, en 325, à l’issue d’un vote serré.

Ce qu’il en est : Les épîtres de Paul, qui datent de 48, affirment déjà : « Un seul Seigneur Jésus-Christ par qui tout a été crée » (I Cor, VIII, 6). « Il est à l’image du Dieu invisible. Par lui toutes choses furent créées » (Colossiens I, 15-16).* En 112, le gouverneur romain Pline écrit que « les chrétiens avaient l’habitude de se retrouver régulièrement avant l’aube (...) pour honorer le Christ comme Dieu ». Les citations de Pères de l’Eglise, Ignace, Irénée, Clément d’Alexandrie, etc., qui présentent Jésus comme Dieu abondent. Les hérésies pullulant durant les premiers siècles, le contenu de la foi chrétienne fut précisé peu à peu par l’Eglise. Constantin convoqua à la demande des évêques le premier concile oecuménique, qui aboutit à la rédaction du Credo, dit de Nicée. L’empereur Constantin ne s’est pas occupé de la constitution d’une Bible chrétienne officielle. Le Canon des Ecritures chrétiennes s’est constitué par étapes au cours des IIe, I I I e, IVe siècles, donc avant et après le règne de Constantin. Les critères de sélection étaient l’ancienneté des textes, le lien avec les apôtres, la vérité de la foi proclamée. Les manuscrits de la mer Morte, dits de Qumran, auxquels se réfère Dan Brown, ne parlent ni de Jésus ni du christianisme. Les manuscrits de Nag Hamadi, datant du IVe et découverts en 1945, constituent en revanche une bibliothèque de textes apocryphes. Produits entre le IIe et le VIe siècle, ils sont plus tardifs que les Evangiles canoniques. Marqués par les thèmes gnostiques qui prônent un dualisme entre l’âme et le corps, et s’adressant à un petit nombre d’initiés, ils n’ont pas été retenus pour figurer dans le Nouveau Testament parce qu’ils étaient en contradiction avec le message du Dieu incarné dont la vocation est d’être universel. Le Prieuré de Sion détient-il des documents secrets ?

Ce que dit Dan Brown : Le secret des noces de Jésus et Marie Madeleine a été conservé au cours des siècles par le Prieuré de Sion, société secrète créée par Godefroy de Bouillon en 1099. Léonard de Vinci, Botticelli, Newton, Victor Hugo, Cocteau en ont été membres.

Ce qu’il en est : Le Prieuré de Sion existe, certes, mais c’est une association régie par la loi de 1901 créée le 25 juin 1956 à la sous-préfecture de Saint-Julien, en Haute-Savoie...



Pour en savoir plus : www.davinci-codex.com et Code Da Vinci : l’enquête, de Frédéric Lenoir et Marie-France Etchegoin (« Points », Seuil).

                                               
                                                    Commentaire de Jacques :   

*Outre ces deux citations de St Paul, les épîtres du même Apôtre contiennent plusieurs autres  affirmations autrement plus explicites de la divinité de Jésus :
·         « Israélites…de qui est issu le Christ selon la chair, lequel est au dessus de toutes choses, DIEU, béni éternellement. Amen ! » (Romains IX, 5)
·         « Car en lui (le Christ) habite corporellement toute la plénitude de la divinité « (Colossiens II ,9)
·         « Et lorsqu’il introduit de nouveau dans le monde le premier né (le Christ), Dieu dit : « que tous les anges de Dieu l’adorent » (Hébreux I, 6) Sur l’acte d’adoration voir ci-dessous.
·         « Dieu dit au Fils : « Ton trône, ô Dieu, est éternel » (Hébreux I, 8)… et serait à citer en réalité la totalité de l’épître aux Hébreux qui constitue un hymne magnifique à la divinité,l’humanité,la médiation et le sacerdoce parfaits du Christ Rédempteur.

            Pour rendre encore plus vain, si c’était nécessaire, la prétention historique de Dan Brown sur le caractère tardif (et politique puisque voulu par un empereur romain) de l’affirmation de la divinité de Jésus il suffit de rappeler aussi tout le Prologue de l’évangile de St Jean : « Au commencement était le Verbe,et le Verbe était en Dieu,et le Verbe était Dieu…Tout par lui a été fait et sans lui rien n’a été fait » (St Jean I, 1 à 3). Admirable prologue que les prêtres étaient tenus de réciter après la messe depuis le 12° siècle en revenant à la sacristie afin de se prémunir contre les élucubrations gnostiques et cathares niant la Divinité et l’Humanité du Christ Jésus  [ car le Prologue dit aussi -à l’encontre des gnostiques- : »Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (I, 14)].
Rappeler aussi St Matthieu : « En le voyant ( Jésus),ils (les Apôtres) l’adorèrent » (Matthieu XXVIII,17) ; pour bien comprendre toute la valeur et la signification de cet acte d’adoration,ne pas oublier que pour tout Juif,comme d’ailleurs tout Grec l’adoration était strictement proscrite à l’égard des hommes. Ainsi voit-on St Pierre relever vivement le centurion Corneille qui « tombant à ses pieds, se prosterna. Mais Pierre le releva en disant : »Lève-toi ; moi aussi je suis un homme. » (Actes des Apôtres X, 25,26). Jésus lui-même n’avait-il d’ailleurs pas dit à Satan au désert : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (St Luc IV, 8).
 De même chez les grecs la prosternation, équivalant à l’adoration (proskynèse) n’était due qu’aux dieux et l’ Empereur Alexandre eut le plus grand mal à la faire admettre à son égard par les macédoniens afin d’unifier le rite impérial alors que les dignitaires perses tenaient à cet héritage des Grands Rois de leur Empire.
Allons nous oublier l’affirmation de Jésus en personne qui lui valut une tentative de lapidation pour blasphème : « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fut JE SUIS. Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter » (Jean VIII, 58,59) « JE SUIS », définition que Dieu lui-même se donna pour répondre à la question de Moïse sur son Nom (Exode). Les pharisiens ne se trompèrent donc pas sur ce que Jésus signifiait ainsi de lui-même.
Voici maintenant le premier évangile connu, celui de St Marc, attesté par la découverte irréfutable d’un fragment de manuscrit à Qumrân et daté de ± 55 (le site de Qumrân fur scellé pour cause de troubles anti-romains avant + 70).
·         « Or il se trouva dans la Synagogue un homme possédé d’un esprit impur, qui s’écria : « Qu’avons-nous à faire avec vous, Jésus de Nazareth ? vous êtes venus pour nous perdre ! Je sais que vous êtes le Saint de Dieu. »Mais Jésus lui parlant avec menace : «Tais toi, dit-il, et sors de cet homme. »…Tous furent saisi d’étonnement, de sorte qu’ils se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que ceci ? Quelle est cette doctrine nouvelle ? Car il commande en maître, même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. » (Marc I, 23 à 27). En effet Jésus commande efficacement aux démons de sa propre autorité alors que les juifs étaient accoutumés aux exorcismes pratiqués par l’autorité de Dieu. De fait aucune autorité créée ne serait capable de refouler les démons dont la nature et le pouvoir surpassent toute mesure humaine.
·         »Jésus dit au paralytique : « mon fils, tes péchés te sont remis. »Or il y avait là quelques scribes assis, qui pensaient dans leur cœur : « Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul ? » (Marc II, 5 à 7).
·         « Les esprits impurs, en le voyant, se prosternaient devant lui » (Marc III, 11). Voir plus haut sur la prosternation. Rappelons le belle parole de St Jacques à cet égard : « Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi…, et ils tremblent » (St Jacques II, 19).

.Quant à St Luc, rappelons son récit de l’Annonciation où l’ange Gabriel explique à la Sainte Vierge qui l’interrogeait 1 sur la manière dont la Maternité divine se produirait :
« L’Ésprit Saint viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » (St Luc I, 35). « Vous couvrira de son ombre », voici très exactement la reprise de l’expression métaphorique utilisée dans l’Ancien Testament (Exode XL, 34 & suiv.) à propos de l’Arche d’Alliance où séjournait le Très-Haut. Ainsi le Sainte Vierge est-elle la nouvelle Arche d’Alliance où réside très réellement Dieu en personne. Cela n’est-il pas l’affirmation de la Divinité de Jésus – et avec quelle beauté de termes- dans l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament ?
            Toujours St Luc : » Pour eux (les Apôtres), après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem » (ST Luc XXIV, 52). Toujours l’adoration réservée à Dieu seul.
           
            Ainsi les quatre évangiles, connus dès le premier siècle, antérieurs à l’an 70 (destruction de Jérusalem et dispersion des Juifs ; voir sur la datation des évangiles mon texte : « Les évangiles sont vrais » en deux parties sur :    http://vexilla.over-blog.com/ ) attestent avec une force, une conviction, une fréquence indéniables la Divinité de Jésus Christ. J’ai cité quelques versets ; bien d’autres, tout aussi probants eussent pu être invoqués.
Dès lors, le fondement des élucubrations plus encore incultes que blasphématoires de Dan Brown dans son Da Vinci Code – l’invention de la Divinité de Jésus par l’Empereur Constantin au Concile de Nicée avec la complicité de l’Église catholique jusqu’à nos jours- se révèle une pure construction antihistorique, naïve ou délibérée, Dieu le sait. Sans ce fondement, il ne reste rien de la substance du roman et sa trame essentielle s’effiloche lamentablement : si Jésus est bien Dieu, point de présumés échafaudages scabreux avec Sainte Marie Madeleine (que RIEN ne laisse supposer dans les évangiles canoniques les seuls connus jusqu’au II° siècle), son Église est aussi de fondement Divin, donc Sainte, assistée comme promis, indemne de toutes suppositions de soi-disant complot ; tout le reste n’est que fiction dont chacun savourera ou non le caractère romanesque et la qualité des personnages et de l’écriture suivant ses penchants.
            La certitude qui demeure est l’inculture historique 2 de Dan Brown en matière d’histoire sainte et d’histoire de l’Église dont manifestement il ne connaît que les préjugés conformistes habituels véhiculés par un académisme orienté (et même Grandement Orienté ). En ce sens son roman est bien digne des loges !
            Pour ma part je reconnais avoir apprécié le jeu de piste incessant qui conduit d’énigmes en rébus et de symboles (parfois outrés) en artéfacts ingénieux ; on sent là un Dan Brown à l’aise avec la technique des décryptages mystères.
            Tout le reste servira, hélas une fois encore, à alimenter le fleuve des racontars antichrétiens et anticléricaux, qui ne cesse de charrier depuis l’an 33 les fables les plus invraisemblables et cependant les plus tenaces. A sa place et à son tour « Da Vinci Code » est donc une pièce de plus dans l’arsenal des immenses moyens déployés contre la Rédemption.
            Que cela n’entame en rien notre espérance (« la foi que j’aime le plus » Péguy), nous souvenant de la réplique du Cardinal Consalvi à Napoléon au cours de l’âpre négociation du Concordat :

            « Napoléon dit un jour au cardinal Consalvi : « Je détruirai votre Église ! – Non, vous ne la détruirez pas, répondit le Cardinal. » Agacé,  Napoléon lui rétorqua : « Mais si que je la détruirai votre Église ! – Vous n’y arriverez pas ! Si de mauvais papes, des prêtres immoraux et des millions de pécheurs dans l’Église n’y sont pas arrivés, comment pensez-vous y arriver ? ».
(« Église romaine en face de la Révolution » Jacques CRÉTINEAU-JOLY).

















1 Admirable verset qui nous enseigne une leçon apte à confondre les rationalistes aveugles qui opposent Raison & Foi. En effet la foi de la Sainte Vierge, totale, n’exclut pas l’exercice de la raison : « comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » .L’ange Gabriel accepte la question car celle-ci ne constitue ni une objection ni un doute, la sainte Vierge souhaite seulement être éclairée sur le moyen que Dieu a choisi pour parvenir à l’Incarnation ; sa question est donc raisonnable. Quelle différence avec les propos de Zacharie quelques versets plus avant ! Celui-ci pose aussi une question à l’envoyé de Dieu, Gabriel, mais dans celle-ci, point de raison, seulement un doute : «  Je suis vieux, et ma femme est avancée en âge ». Zacharie oppose sa raison à sa foi. Indigné de cette objection –Zacharie est prêtre- l’ Ange Gabriel punit le doute : »Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu » (sous entendu : « comment peux-tu douter de la parole d’un tel missionnaire envoyé par celui qui est la Vérité même ! ») et voici la punition : « tu seras muet et ne pourras parler jusqu’au jour où ces choses arriveront (la naissance de St Jean Baptiste)» (St Luc I, 19,20).


2  Par exemple le supposé « Prieuré de Sion » :